Pour crier plus fort que la seґparation —
 Il y a peu, j’ai briseґ ma voix.
 Ce livre, comme une bouteille a` la mer,
 Je le jette dans le tourbillon des guerres;
 Afin qu’il voyage, simplement, de la main
 A la main, comme un cierge dans une fe  te.
 Vent, vent, mon fide`le teґmoin,
 Va dire a` ceux que j’aime
 Que chaque nuit, dans mes re  ves,
 Je fais le chemin — du Nord au Sud.
 Il s’approchera sans bruit, furtivement —
 Comme minuit dans une fore  t impeґneґtrable.
 Je sais: dans un vaste tablier,
 Je vous apporterai une colombe.
 Ainsi: je serai sur le seuil, — immobile!
 Avec le poids du plomb — la honte. Mais,
 L’oiseau dans le tablier sera a` l’eґtroit,
 Et l’oiseau — s’envolera, de lui-me  me!
 Tu observes ma peґrissable fragiliteґ
 Presque en silence. — Toi,
 Tu es de pierre, — moi, je chante, —
 Toi, tu es un monument, moi, je vole.
 Je sais, au regard de l’eґterniteґ,
 Le plus tendre mai n’est rien.
 Je suis un oiseau, ne m’en veux pas, si
 Je n’applique pas pour moi une loi si leґge`re.
 Ne juge pas trop vite: le jugement
 Terrestre est fragile! Et que la couleur
 Des meґsanges ne soit pas obscurcie —
 Par la blancheur des colombes.
 D’ailleurs — fais ce qu’il te plat!
 Car, si j’ai aimeґ tout le monde,
 Il se peut qu’un jour sombre —
 Je revienne a` moi, plus blanche que toi.
 L’un est de pierre, l’autre d’argile, —
 Toute d’argent, moi — je brille!
 Mon affaire — trahir, mon nom — Marina,
 Moi, — peґrissable eґcume de la mer.
 L’un est d’argile, l’autre de chair —
 Pour eux, tombes et pierres tombales…
 Pour moi — la mer — et ses fonts baptismaux —
 Et je suis, dans mon vol, — sans cesse briseґe!
 Ma volonteґ passe au travers de tous
 Les curs, au travers de tous les filets.
 De moi — vois-tu ces me`ches folles? —
 Personne ne tirera du sel de terre.
 Je me brise contre vos genoux de granit,
 Mais, avec chaque vague, — je ressuscite.
 Salut a` l’oceґan — a` l’eґcume joyeuse —
 La haute eґcume de la mer!
 Un co  teґ de la fene  tre s’est ouvert.
 Un co  teґ de l’a  me est apparu.
 Ouvrons donc — aussi l’autre co  teґ,
 Et cet autre co  teґ de la fene  tre.
 Chanson 
 
 Hier encore il me regardait dans les yeux,
 Aujourd’hui — il louche pluto  t de co  teґ!
 Hier encore il restait jusqu’au chant des oiseaux —
 Aujourd’hui — toute alouette — corbeau!
 Moi, la sottise, mais toi, l’intelligence,
 La vie, et moi l’inertie.
 Et ce cri des femmes de tous les temps:
 «Qu’est-ce que je t’ai fait, mon amour?!»
 Et les larmes pour elle — de l’eau et du sang —
 De l’eau — dans le sang, dans les larmes elle se lave!
 Pas une me`re, une mara  tre — l’Amour:
 N’attendez de lui ni justice ni pitieґ.
 Les navires enle`vent les amants,
 La route blanche les entrane…
 Et ce geґmissement vaut pour toute la terre:
 «Qu’est-ce que je t’ai fait, mon amour?!»
 Hier encore — coucheґ a` mes pieds!
 Il me comparait a` l’empire de Chine!
 Soudain ses deux mains se sont eґcarteґes, —
 Ma vie est tombeґe — comme un sou rouilleґ!
 Comme une infanticide devant les juges
 Je suis la` debout — mal aimeґe, sans deґfense.
 Je te le dirais me  me en enfer:
 «Qu’est-ce que je t’ai fait, mon amour?!»
 J’interroge la chaise, j’interroge le lit:
 «Pour quoi, ce que j’endure, pour quoi cette
 deґtresse?»
 «Finis les baisers — vient la torture:
 A d’autres les baisers», — reґpondent-ils.
 A cette vie en plein feu, tu m’habitues,
 Puis tu m’abandonnes — dans la steppe glaceґe!
 Voila` ce que toi, mon amour, tu m’as fait!
 Mon amour, a` toi — qu’est-ce que, moi, je t’ai fait?
 Je sais tout — ne dis pas le contraire!
 Lucide, a` nouveau — et deґja` plus ta matresse!
 La` ou` l’Amour ce`de le terrain,
 La` s’avance la Mort-Jardinier!
 Seule — pourquoi secouer l’arbre! —
 L’heure venue la pomme mu  re tombera.
 — Pour tout, pardonne-moi, mon amour —
 Pour tout ce que je t’ai fait!
 Ils sont partis — ils s’en sont alleґs —. Ils
 Sont passeґs dans lе camp ou` tout se me  le,
 Dans le camp blanc des migrateurs,
 Et des pigeons — et des cygnes —,